Touba Sène est propriétaire d’une riche et composite collection d’œuvres d’art qu’il a achetées un peu partout à travers l’Afrique. La mode « Baye Lakhat » est son style de tous les jours agrémenté d’un chapelet roulé en forme de bracelet autour de la main droite. L’homme ressemble ainsi à un religieux et rien chez lui, a priori, ne laisse croire qu’il est un grand collectionneur d’œuvres d’art. Deux statuts qui semblent ne pas faire bon ménage. Car l’on dit que l’islam est contre les représentations sculpturales. Et Touba Sène compte bien des statuettes dans son arsenal.
« Cela n’altère en rien ma foi en Dieu. Vous savez quand l’on dit que l’islam est contre ces représentations, l’on fait allusion à ceux qui voient à travers ces œuvres d’art des Dieux ou des Déesses et qui croient aux pouvoirs qu’auraient ces objets »
Observe-t-il. Et il jure la main sur le cœur que certains croient au pouvoir mystique des masques, des totems, des fétiches.
» Vous savez il m’est arrivé à plusieurs reprises de vouloir acheter un masque ou un totem et que son vendeur me dise qu’il n’ose pas y toucher de peur qu’il lui jette un mauvais sort. Je lui disais ok si on tombe d’accord sur le prix, je le prendrai moi-même. Car je ne crois pas en ces histoires’ ‘. Affirme-t-il
Dans la même veine, il raconte que certaines acquisitions n’ont pas été faciles. Il lui fallait voyager la nuit et rentrer la nuit parce que l’objet ne devait être vu par personne.
« Il y a des communautés qui n’aiment pas que leur culture soit divulguée. Donc, en prenant des vestiges de cette culture il fallait se cacher. Je risquais ma vie en achetant ces objets puisque si on me découvrait avec je pouvais mourir »
Des risques de ce genre, Touba Sène en a beaucoup pris.
« Une fois au Ghana, je suis allé acheter un objet. Le village où je devais, le récupérer était à 7 km de la résidence où j’étais descendu. Il fallait traverser une forêt pour accéder au village et il me fallait attendre le soir pour y aller. Je devais m’y rendre à pied aussi. Je suis parti un peu après 17h. La transaction s’est faite au crépuscule. En rentrant, il pleuvait. On était que deux sur la route et H fallait des éclairs dans le ciel pour voir où poser notre pied «
Raconte-t-il. Il soutient que c’est Dieu qui l’a aidé ce jour à s’en sortir puisque dans cette forêt vivent des animaux aussi terrifiant que le lion.
Les risques pris en valaient peut-être la peine. La » caverne » de Touba Sène, compte des masques d’origine de communautés africaines qui n’en ont plus et en chercheraient même.
Natif de Saint-Louis, ce fervent mouride et » musulman pratiquant » a plus de 10 milles œuvres contemporaines et anciennes dans ses galeries qui sont au nombre de 3 et qu’il a baptisé « Sène galerie » ainsi que dans un container de stockage situé sur la Corniche ouest. Depuis plus de cinquante ans, il est dans le milieu des artistes. Il a débuté par le commerce des colliers, des masques en ébène et des sacs en peau de serpent.
« Du temps où le marché Kermel ouvrait à 4h du matin pour fermer à midi j’avais un étal tout près du marché. J’achetais des objets que je revendais aux touristes”, se souvient-il. Loin de se conformer aux règles du marché, il ne rentrait jamais à midi et était le seul vendeur qui travaillait le dimanche. Et c’est au cours d’une matinée dominicale que la chance lui sourit. Un Afro-américain lui a acheté ce jour-là tout son stock. Son gain lui permet de se tourner vers un autre commerce.
« J’achetais des robes que j’allais vendre à Ngor «
Fait -il savoir. Ce sera pour un court moment puisqu’il décide de tenter l’aventure. Il dépose alors ses baluchons au Mali. Ainsi, commence une recherche effrénée de tableaux, de masques et d’objets rares et surtout anciens. « Après le Mali je suis allé en Côte d’Ivoire, au Bénin, au Togo, au Nigéria, au Cameroun, en Ghana et au Congo. J’y achetais des objets que j’allais revendre en Europe et aux USA”, signale-t-il.
Après divers périples à travers le monde, il décide de s’établir à Lomé tout en continuant à tourner de temps à
autre. Cette aventure a duré plus de trente ans avant qu’il ne décide de rentrer au Sénégal avec son » patrimoine”. Ces nombreux voyages ont permis à cet amateur qui est dans le monde des arts depuis maintenant plus de 50 ans de pouvoir détenir une véritable vitrine artistique. Dans sa » caverne d’Al i Baba » , on trouve des œuvres du défunt Kré Mbaye, de feu Mbaye Diop , de Cissé Dia, de Mbida Fall, de La mt oro , de Chérif Thiam , d’ lbou Diouf , de Bocar Diongue, Ansoumana Diedhiou, de Philipp Séné, de Kara Ndiaye , de Souleymane Keita, de Diatta Seck, de Loba, de Palan, d’Ady baldé, de Khassim Mbaye, de Bomar, de Sadie, du Congolais Stanley, de l’ivoirien Yunussa, du Nigérian Nuby, ou encore du Camerounais lbrahima, lssak Welli du Nigéria, George Corréa (Liste non exhaustive).
Toutes ces œuvres de haute facture, Touba Sène souhaite les montrer aux amoureux des arts.
Par ailleurs, la meilleure manière de promouvoir ce merveilleux trésor de Touba Sène serait de le mettre dans un musée.
© Candio & Sene gallerie All Rights Reserved 2024